Les Amis des Enfants du Monde ont 50 ans : interview croisée de 4 bénévoles

Pour les 50 ans des Amis des Enfants du Monde, nous avons donné la parole à :

Yves Beauchamp, bénévole depuis 2022, trésorier de 2012 à 2015 puis président de l’association jusqu’en 2019.

Michel Roussel, membre de l’équipe Haïti de 2003 à 2009 puis de l’équipe Brésil de 2013 à 2015, vice-président Aide à l’Enfance sur Place de 2009 à 2015, et membre du GASIE (Groupe d’Accompagnement Solidarité Internationale pour l’Enfance), de 2019 à aujourd’hui.

Jean Mallet, bénévole depuis 1989, administrateur de 1996 à 2005, membre de l’équipe Sénégal de 1997 à 2003, puis de l’équipe Éthiopie de 2004 à 2009 et du Vietnam/Cambodge de 2012 à 2018, vice-président en charge de l’adoption de 2009 à 2018.

Corinne Claudel, bénévole depuis 2009, membre de la Commission Nationale d’Adoption (CNA) puis animatrice de la Commission adoption depuis 2021. Administratrice depuis 2021 et membre de l’équipe de Solidarité Internationale aux Philippines depuis 2022. Animatrice de la région Alsace Lorraine depuis 2015.

Une longue interview croisée, présente dans le Toit spécial ’50 ans’, et dont vous retrouvez ci-dessous l’intégralité ! Merci à eux pour ce partage

 

 

Les Amis des Enfants du Monde célèbrent cette année leurs 50 ans. Un demi-siècle d’action pour les droits de l’enfant, qu’est-ce qui a rendu cela possible, selon vous ?

Michel : J’y vois trois raisons principales :

– notre mission d’origine, l’adoption, et les composantes humaines des parents adoptifs qui ont porté un engagement à long terme.

– la couverture nationale de l’association qui a permis une proximité entre les bénévoles, les donateurs, la famille, les amis et des actions de collecte et de parrainages.

– Et enfin le principe de partir des besoins existants d’ONG locales, qui demeure un pilier de notre action.

Jean : Aide à l’enfant sur place (AEP) et adoption ont été associées d’emblée. En fait, les fondateurs, confrontés à des histoires personnelles dans les pays où ils étaient, notamment Vietnam et Corée, ont démarré à la fois l’adoption et des actions d’aide sur place.

Michel : Ce qui a également permis de durer, c’est la stabilité de l’association et la vision de la Solidarité Internationale qui a évolué.

Corinne : Je suis plus récente dans l’association, et mon ressenti c’est que de nombreux bénévoles étant des parents adoptifs, ils avaient un point commun très fort qui donnait envie de construire quelque chose ensemble, pour que ça ne s’arrête pas avec l’arrivée de leur enfant. Et je pense que même si le virage de l’après-adoption est bien amorcé, il y a un enjeu autour du renouvellement des équipes.

Yves : J’ajouterai un facteur important : le caractère durable des liens créés avec les partenaires, sans recherche de forte visibilité, ce qui explique la poursuite de l’aventure pendant des décennies.

Michel : Et cela vient sûrement de nos origines   des parents adoptifs, pas formés initialement à la Solidarité Internationale.

 

 

Comment le bénévolat a-t-il évolué pour accompagner ces 50 ans d’action ?

Michel : Notre mode d’action en bénévolat a évolué du soutien individuel au collectif, ainsi que notre relation avec les partenaires dans les pays : des liens très forts s’étaient tissés entre les bénévoles et les partenaires, et ont amené à créer la CNAEP (Commission Nationale Aide à l’Enfant sur Place (en 2000) pour éviter une appropriation des projets et créer une responsabilité collective. En même temps, on a initié des rotations dans les équipes pour éviter un lien affectif trop fort.

Corinne : Depuis de nombreuses années, le nombre de formations qui ont été mises en place, de commissions, de groupes de réflexion et de travail, est impressionnant. On tend vers de plus de compétences, plus de qualité. C’est une force, mais ça peut être aussi un point faible, ça peut repousser des bénévoles.

Michel : C’est tout l’équilibre à trouver ! Pendant 10, 15 ans, on a opposé professionnalisme et amateurisme, alors qu’on peut être bénévole et professionnel !

Yves : Un travail de fond sur la normalisation des pratiques a eu du bon dans la mesure où cela a donné des repères pour les bénévoles. Mais ce qui va être nécessaire pour la suite, c’est de retrouver un espace de créativité. Pour que les bénévoles osent proposer des modalités de réalisation de leur bénévolat qui ne soient pas simplement la reproduction des normes de l’association.

Michel : Il faut donc dire à de nouveaux publics qu’ils peuvent à la fois s’inscrire dans la prolongation de l’histoire de cette association et y apporter quelque chose de nouveau, un terreau de transformation.

 

Quelle place singulière ont les Amis des Enfants du Monde au sein du panel des ONG ?  Qu’est-ce qui pourrait être particulièrement attractif et prometteur à l’avenir ? 

Michel : Notre champ d’action est sur l’enfance et les droits de l’enfant, il est assez pointu mais en même temps large dans son expression. Or, la forme de bénévolat qui est attractive pour un jeune ou un étudiant, ce n’est pas le domaine précis, c’est l’action concrète, l’accomplissement, l’impact mesurable de l’engagement, et en allant sur place. Ce n’est pas évident car nous avons un impact à long terme sans avoir des missions longues sur place.

Yves : Dans le panel de de la solidarité internationale, on est d’abord tout petit …  Et puis, et c’est un paradoxe : on s’est refusé à toute spécialisation, que ce soit dans un domaine technique ou dans un pays, une culture, un continent particulier, on est présent dans énormément de pays. Cela fait notre singularité : on est généraliste et touche à tout.

Michel : Et est-ce que ce côté justement « touche à tout » de la solidarité internationale (je provoque un peu), ne peut pas être justement quelque chose d’attractif pour les bénévoles qui veulent nous rejoindre, parce que avec ce panel assez large ils peuvent s’impliquer dans des champs diversifiés.

C’est intéressant cet angle, si on le compare avec la médecine, ça fait penser aux généralistes qui sont de plus en plus amenés à s’appuyer sur des spécialistes. Et peut-être que c’est ce qui nous manque. Justement, dans beaucoup de choses aujourd’hui, on passe de la professionnalisation à la spécialisation. C’est l’étape suivante par rapport au schéma qu’on évoquait tout à l’heure : se spécialiser. Il peut y avoir l’angle métier, l’angle pays, le type de projet…  Par exemple, pour beaucoup de bénévoles qui sont dans les équipes de Solidarité Internationale, s’occuper des chiffres ça plait moins. Or on est des financeurs… C’est notre rôle de savoir si quelques personnes, dont c’est par ailleurs le métier ou le goût, voudraient s’occuper de cette dimension-là, mais pour l’ensemble des équipes, en soutien. Donc on spécialiserait les tâches comme on l’a fait finalement pour la communication. On pourrait le faire dans d’autres domaines.

Corinne : Après, chacun a des compétences, mais aussi des envies. On n’a pas forcément envie de faire la même chose dans son bénévolat que ce qu’on fait dans son métier tous les jours. Ca doit dépendre des âges aussi : à 25 ans, 30 ans, 35 ans, peut-être qu’on a envie de de mettre ses compétences au service d’une autre structure que son employeur, pour vivre d’autres choses. Mais encore faut-il les identifier ces compétences quand la personne se présente à l’association.

 

Quels défis à venir et quels atouts pour les relever dans les 10 années qui viennent ? 

Yves : On a un sacré défi : la thématique de la solidarité internationale est d’une manière générale en train de s’invisibiliser. En lien avec le discours ambiant autour de l’étranger, de la place qu’on lui fait, de l’accueil qu’on lui réserve ou pas. Il va falloir lutter justement, pour donner à voir, par les témoignages, une autre réalité de ce qui se passe dans tel ou tel pays, de la mobilisation des acteurs locaux, de la réalité des enfants et des familles qu’on accompagne.

Un chantier s’ouvre autour du plaidoyer, et je pense que, sans sortir de notre neutralité, on peut jouer ce rôle. Beaucoup de nos partenaires sont dans une situation bien plus difficile aujourd’hui, soit avec des pouvoirs politiques un peu autocratiques ou des situations d’instabilité politique, de guerre, ou de menace terroriste. Cette situation, elle appelle aussi qu’on l’expose, qu’on la partage. C’est une étape avec laquelle l’ensemble des bénévoles devraient être d’accord. On n’a pas voulu être politique dans le sens « politique politicienne », mais là on est dans le champ de l’humain, qui traverse toutes les sensibilités.

Corinne :  C’est passionnant. Je pense que le plaidoyer va être une belle façon de cheminer, de s’ouvrir sur autre chose. Tout en faisant attention à pas mettre en difficulté nos partenaires. Il ne faut pas négliger que certains sont déjà dans le viseur des autorités locales. Et il y a beaucoup de pays où on ne peut plus se rendre en mission.

Yves : Je pense qu’il faut continuer d’essayer de développer des relations avec les autres organismes de solidarité internationale axés sur l’enfance – comme le Groupe Enfance , collectif que nous avons rejoint. C’est difficile, mais on doit créer des relations concrètes, trouver des actions à réaliser ensemble.

Finalement, le plus grand défi pour l’association, c’est éviter de simplement vouloir durer… C’est la transformation qui maintient debout ! Il ne s’agit pas de tout jeter par-dessus bord ou de vouloir tout changer. Mais admettons que le meilleur pour les Amis des Enfants du Monde, ce n’est pas simplement de faire 10 ans de plus. Soyons créatifs !

 

 

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